
IA au banc d'essai de l'administration numérique
Le 12ème eGovernment Symposium Romand a eu lieu le 7 mai 2024 à Sierre [1]. Cet événement rassemble les acteurs de l'économie, de l'administration, de la politique et du monde académique. C'est l'occasion idéale de dresser un bilan annuel sur les avancées de l'administration numérique en Suisse. Cette année, les échanges ont exclusivement porté sur l'intelligence artificielle (IA), thématique brûlante depuis 18 mois, et les défis qu'elle soulève pour la cyberadministration.
Cette journée pourrait se résumer par l'expression : "Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions". En effet, toutes les administrations aspirent à faciliter la vie des administrés en leur offrant des services simples, efficaces et inclusifs. Toutefois, les bonnes intentions seules ne suffisent pas à prémunir des erreurs.
En Suisse, aucune base légale spécifique à l'IA n'existe pour l'instant. Cependant, la loi fédérale sur la protection des données (LPD) offre déjà des principes généraux applicables (licéité, bonne foi, proportionnalité, transparence, exactitude, finalité et sécurité). Il est également impératif d'intégrer des principes éthiques pour développer une IA responsable. Enfin, la robustesse de l'IA doit être assurée, afin qu'elle livre, à chaque traitement, des prédictions fiables et inspire confiance.
Les projets concrets sont encore rares. De nombreuses administrations se questionnent, souhaitent lancer des projets exploratoires, mais butent rapidement sur les problèmes liés aux données et à la souveraineté des infrastructures. S'ajoutent les défis de l'explicabilité (selon la définition de la CNIL [2], c'est la capacité de mettre en relation et de rendre compréhensible les éléments pris en compte par le système d'IA pour la production d'un résultat), cruciale lorsque l'IA doit prendre des décisions. Les biais potentiels interrogent aussi, car il est impossible de fournir à la machine des données couvrant toutes les spécificités. Enfin, si l'IA préconise une option à 65%, contre 10% maximum pour les autres, pouvons-nous lui faire confiance, sachant que nous serons responsables?
Une chose est sûre : pour la désinformation, l'IA excelle déjà. Elle pourrait aussi facilement submerger l'administration de demandes paralysantes. Pour triompher, le mal n'a besoin que de l'inaction. Après cette journée d'échanges avec des représentants des administrations et des entrepreneurs, je ne pense pas que nous resterons inactifs. Nous sommes désormais sensibilisés aux difficultés à affronter. J'espère qu'à l'édition 2025, nous pourrons célébrer les premiers succès.
[1]. Administration numérique suisse, eGovernment Symposium Romand, https://www.digitale-verwaltung-schweiz.ch/symposium, consulté en ligne le 7 mai 2024
[2] CNIL, Explicabilité (IA), https://www.cnil.fr/fr/definition/explicabilite-ia, consulté en ligne le 9 mai 2024
Image : Présentation - Décision individuelle automatisée : information et contrôle humain, Sylvain Métille, Professeur associé (UNIL) et avocat (HDC)
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