Information gargantuesque, faim de connaissance ou indigestion?
Dans un monde qui se numérise de plus en plus chaque jour, les règles du jeu changent à une vitesse vertigineuse. Récemment, la newsletter "In Bed With Tech" de Marie Dollé [1], datée du 29 octobre, a retenu mon attention en mentionnant un article de Michael Schaefer daté de 2014 [2]. Schaefer, avec une clairvoyance remarquable, avait anticipé un phénomène qu'il a appelé "Content Shock" - l'idée que la quantité de contenu disponible dépasse largement notre capacité à le consommer. Ce concept résonne particulièrement avec moi car, en tant que blogueur depuis 2009, j'ai été confronté directement à cette réalité.
Au début, en travaillant dans le monde académique, mon blog était une vitrine essentielle qui me permettait de me "vendre" et d'obtenir des mandats. Cependant, avec le temps, le coût en temps pour produire du contenu est devenu disproportionné par rapport au retour sur investissement. Un changement significatif s'est produit à l'été 2023. Grâce à l'intelligence artificielle, j'ai pu reprendre un rythme de publication régulier. Alors qu'auparavant, la rédaction d'un article me prenait environ cinq heures, sans compter le temps de recherche, l'IA a réduit ce processus à moins de 45 minutes. Cette efficacité retrouvée m'a redonné le goût de l'écriture.
Comme l'a énoncé Eric Hoffer, cité par Marie Dollé, "ce sont les apprenants qui façonnent l'avenir". Cette maxime me touche personnellement. En écrivant sur ce blog, je suis en apprentissage constant. Je me familiarise avec le fonctionnement de l'IA générative, j'explore ses possibilités et ses limites, et je partage mes découvertes, alimentant ainsi le débat avec mon réseau.
Indigestion d'information
Malgré ces avancées technologiques, le principe du 90-9-1 décrit par Marie Dollé reste pertinent. Dans l'écosystème d'internet, seulement 1% des utilisateurs créent activement du contenu, 9% y contribuent occasionnellement, tandis que 90% se contentent de consommer. Cette théorie est parfois critiquée [3], car nous serions plus nombreux à produire du contenu et/ou à interagir avec les producteurs de contenus via les boutons "like" et les commentaires. Toutefois, ce principe n'est valable qu'au sein d'une communauté. Par ailleurs, le nombre de communautés a explosé avec l'avènement des réseaux sociaux. Cette dynamique du 90-9-1, bien que modeste, multipliée par le nombre de nouvelles communautés a conduit à un "content shock". Nous pouvons comparer ce fait à un repas gargantuesque. Ce phénomène est exacerbé par l'arrivée de l'IA générative (GenAI) dans l'équation. La GenAI, capable de produire en quelques secondes ce que des heures de labeur humain réalisent, amplifie ce phénomène à une échelle inimaginable. Tout le monde peut créer sa communauté. Nous constatons également que les créateurs de contenu "historiques" tentent aussi de créer de nouvelles communautés, afin de mieux cibler leur public en le segmentant [3]. L'IA dite générative facilite leur travail et ils peuvent produire ou transformer du contenu pour toucher de façon encore plus précise chacune des communautés qu'ils alimentent.
Le "content shock" décrit par Schaefer est donc loin de s'atténuer. L'augmentation exponentielle de l'offre face à une capacité de consommation limitée conduit à une inflation des coûts pour attirer l'attention du consommateur. Schaefer avait déjà mis en garde, dès 2014, contre les coûts croissants de production de contenu de qualité, prédisant que ceux-ci pourraient devenir prohibitifs pour de nombreuses entreprises. Son exemple concret, où il expliquait "payer" ses lecteurs à travers le temps investi dans la création de contenu, illustre parfaitement cette tension croissante.
La curation, une solution
La curation de contenu, comme le suggère Marie Dollé, semble être une réponse viable à ce déluge d'informations. Elle nous permet de filtrer le bruit et de rester informés, une nécessité absolue dans un monde où les connaissances d'hier deviennent rapidement obsolètes. C'est dans cet esprit que je m'efforce de modeler mon blog, non seulement comme une plateforme d'expression mais aussi comme un lieu de curation, où les idées les plus pertinentes sont mises en évidence. Je travaille également sur la mise en place d'un autre site appelé "Les Brèves d'Olivier", afin de partager avec vous les lectures qui ont retenu mon attention durant la semaine.
Mais que signifie tout cela pour vous, lecteurs et acteurs de cet écosystème numérique? Ressentez-vous les effets du "content shock", dans votre vie quotidienne? De l'indigestion d'information après ce repas gargantuesque? Comment gérez-vous la surabondance d'informations? Voyez-vous l'IA générative comme un allié ou un adversaire dans votre quête de connaissance? J'invite vos réflexions et vos expériences à enrichir ce débat. Après tout, c'est ensemble, en tant qu'apprenants, que nous façonnons l'avenir.
[1] Marie Dollé, In Bed With Tech, Filtrer le bruit ou l'art de l'omission stratégique, https://mariedolle.substack.com/p/filtrer-le-bruit, publié le 29 octobre 2023, newsletter lue le 20 octobre 2023
[2] Mark Schaefer, Content Shock: Why content marketing is not a sustainable strategy, https://businessesgrow.com/2014/01/06/content-shock/, publié le 6 janvier 2014, consulté en ligne 29 octobre 2023
[3] Vincent Uhlmann, Valérie Demont, Cominmag.ch, https://cominmag.ch/valeriedemont/, publié le 28 juin 2012, consulté en ligne 4 novembre 2023
[4] France Télévision, méta-media #22, MédIAs Nouvelle génération, pages 100 et 169, https://www.meta-media.fr/wp-content/uploads/sites/33/2023/07/metamedia-22-pages.pdf, printemps – été 2023, consulté en ligne 4 novembre 2023
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